Le talon d'Achille

J'ai conquis la presque totalité du monde, la terre et le ciel, remporté des victoires improbables, des guerres invraisemblables, vaincu des titans, chassé les dieux de leurs palais, j'ai pourfendu mes ennemis et terrassé les dragons, détruit un univers pour en bâtir un autre. J'ai regardé les étoiles tomber avec indifférence, entendu les malédictions que l'on me lançait sans ciller, j'ai vu le soleil s'éteindre sans perdre espoir, senti les enfers s'ouvrir sous mes pieds sans pouvoir m'engloutir. Je suis soldat, chevalier et roi, la peur m'est inconnue, la défaite m'est impossible. Je vis avec la mort à mes côtés depuis des années, elle est ma compagne et mon démon, un loup incapable de déchirer ma chair ou de stopper la course de mon cœur. Aucun rempart ne m'arrêtera, aucune armée ne me vaincra, nulle magie ne sera assez puissante pour m'ensorceler. Il existe pourtant un être, un seul au monde capable de m'ôter la vie, un être d'une beauté inouïe, d'une douceur angélique, possédant la clé pour m'abattre, m'anéantir, me réduire en poussière et me disperser aux quatre vents. Elle est finalement mon seul trésor, celle que je ne peux conquérir, celle que je ne saurais blesser, flamme de la rébellion, fascinante et terrible, fragile et invincible. Elle est celle que j'aime... et qui me tuera.

Page Messages : 4 XP : 4 Date d'inscription : 22/02/2012 Age : 28

J'ai connu l'ennemi face auquel je ne peux triompher lorsqu'elle s'est faite mon amante. Ainsi, la seule issue possible est la défaite. Je pourrais me rendre... Mais l'univers est à genoux devant moi et je n'ose imaginer une telle humiliation.
Elle ne se laisse pas séduire par un palais. Ni même par un empire. Pas plus que par le monde que je lui ai proposé sur un plateau d'argent. De la plus profonde vallée au plus haut sommet, tout lui appartenait ! Mais une jeune esclave a préféré prendre sa revanche sur le monde en crachant sur ce dernier lorsqu'il lui a été offert.
Jusqu'à maintenant, j'ai vaillamment résisté aux avances de l'amour mais pour ce faire, j'ai dû renoncer à la seule chose qui ait un jour fait mon bonheur. La guerre, la mort, le sang et les lamentations des femmes me satisfont un éphémère instant alors que sa présence, si douce et effrayante, me comble jusqu'à son départ. Ecraser mes ennemis, du moins ce qu'il en reste, ne me suffit plus désormais. Le soir, lorsque la nuit est tombée depuis longtemps et que je dois me résigner à me coucher, les seules larmes que j'aie jamais versées sont dirigées vers elle.
Et puis l'amour est toujours accompagné de la peur. Elle me tord les entrailles et me fait craindre le moment où je la retrouverai. Je crains le moment où elle saisira l'opportunité de trahir ma confiance et mon affection pour satisfaire je ne sais quel dessein personnel.
C'est une femme après tout...
Et c'est tout ce qui fait ma faiblesse ! L'infinie affection que je lui porte m'empêche de la soupçonner. Et si elle ne me trahit pas, quelque ennemi l'utilisera pour me faire rendre les armes.
L'amour est la seule faille qui puisse exister dans mon armure. Mais la femme est la faiblesse de l'homme. Je ploierai, un jour ou l'autre, par amour comme des millions, des Hommes aux étoiles, ont ployé par peur devant moi.